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Chroniques
Heinrich Marschner
Hans Heiling
Heinrich Marschner trouve sa place dans l'opéra allemand du XIXe siècle, entre Weber et Wagner. Né en 1795 en Saxe, il abandonne ses études de droit pour se consacrer à la musique. Maître de chapelle du prince Krasatkowitz à Bratislava, puis directeur musical dans la capitale saxonne, il commence par se faire connaître sur la scène lyrique, avec des ouvrages profondément influencés par la tradition nationale du Singspiel qui triomphent la plupart du temps : Saidar und Zuleima (1818), Heinrich IV und D'Aubigné (1820), Der Vampyr (1828), Der Templer und die Jüdin (1829). En 1829, il s'installe comme directeur du Hoftheater de Hanovre, ville où il vécut l'ascension irrépressible de Meyerbeer et du jeune créateur de Rienzi, s'opposa au goût de la cour pour l'opéra italien, et mourut en 1861.
Ouvrage en un prologue et trois actes, Hans Heiling fut créé à l'Opéra Royal de Berlin le 24 mai 1833, et nous plonge dans une ambiance surnaturelle et folklorique, digne du Freischütz – ce qui explique d'ailleurs le refus de Mendelssohn de mettre en musique le livret de son ami Edouard Devrient. Muni de son livre magique et de pierres précieuses, Heiling, prince des esprits souterrains, abandonne son trône pour épouser Anna, une jeune paysanne dont il est épris. Sa mère tente de le raisonner mais, puisque son père était un mortel, elle sait aussi qu'il doit faire l'expérience de l'échec amoureux. Ce qui adviendra : Anna n'arrive pas à oublier le chasseur Konrad. Ce rival est blessé par le prince accablé qui retourne chercher du soutien auprès des siens. Il réapparaît le jour des noces, décidé à faire payer ses fausses promesses à la jeune femme, mais la reine intervient pour réconcilier mortels et esprits. Heiling, désormais en paix, peut gouverner son peuple.
La présente production nous emmène au Teatro Lirico di Cagliari, au printemps 2004. Malgré une intrigue bien ficelée qui tient en haleine, la mise en scène de Pier Luigi Pizzi, bien pauvre en direction d'acteur et trop riche en décors kitsch (toiles peintes et bibelots géants), ne nous épargne pas des moments d'ennui. Heureusement, la distribution est réjouissante. Anna Caterina Antonacci est une héroïne convaincante, d'une belle pâte vocale. Quelques attaques en haut médium manquent de souplesse, sans gâcher le plaisir d'un phrasé au legato magnifiquement mené. Passons vite sur le Konrad de Herbert Lippert, ténor peu stable et souvent faux, pour célébrer le talent de Markus Werba en Heiling. Vaillant, nuancé, accompagnant chaque mot et d'un physique avantageux, le baryton rappelle Hampson sans en arborer le côté maniéré. Incarnant la mère d'Anna, Cornelia Wulkopf est souvent couverte, pas toujours juste, mais sait nous intéresser à son d'angoisse, lors de la tempête de l'Acte II. Gabriele Fontane, la Reine, s'avère de plus en plus fiable au fil de l'œuvre.
Notre dernier bravo va àRenato Palumbo auprès de qui certains pourraient prendre des leçons de direction. Nous sommes conquis dès le prologue : créant des ambiances, le chef sait profiter des climats avec un sens remarquable de l'articulation, du contraste et de l'expressivité, puis enchaîne avec une Ouverture à la Berlioz, souple et élégante. Le chœur – dont celui des enfants incarnant des gnomes à crânes postiches – ne manque pas de nuance et peut paraître sans rougir aux saluts sans fin du tomber de rideau.
SM